Karim Tabbou demande au SG de l’ONU d’agir pour libérer les détenus d’opinion

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L’ancien détenu du Hirak Mr Karim Tabbou demande au secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies d’intervenir auprès des autorités algériennes pour obtenir la libération des détenus d’opinion qui se comptent désormais par centaines.

Dans sa lettre Tabbou souligne que des milliers de poursuites judiciaires, des centaines de détenus d’opinion croupissant en prison en attente de jugement, des blogueurs et des influenceurs des réseaux sociaux arrêtés dans des conditions rocambolesques, des rumeurs d’arrestations colportées par les services du pouvoir pour terroriser les citoyens alors que des descentes policières nocturnes et répétitives sont effectuées dans un spectacle qui génère la peur et la psychose.

Ci-après la lettre

Monsieur Karim TABBOU

Opposant politique, ancien détenu et actuellement sous contrôle judiciaire

Lettre au Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies (O.N.U)

Objet : Requête citoyenne pour la libération des détenus

Votre excellence,

Veuillez accepter mes vœux de bonne année 2022 pour vous ainsi que pour l’ensemble des fonctionnaires onusiens engagés en faveur de la paix, la liberté et la dignité pour toute l’humanité.

Le Monde d’aujourd’hui est chargé de périls. Une grande partie de l’humanité vit dans la précarité absolue. Les catastrophes naturelles frappent de plein fouet des régions entières de notre globe. Tandis que les graves dérèglements climatiques menacent de dévastation de grandes étendues géographiques, la crise des réfugiés a atteint des seuils intolérables où des millions d’êtres humains sont arrachés de leurs terres natales à cause de ces dérèglements du climat et des conflits armés.

L’Afrique reste le continent le plus vulnérable subissant les impacts de ces dérèglements. Les statistiques macabres des conflits armés dont il est le théâtre dépassent l’entendement.

En deux années, plus d’une dizaine de coups d’Etat militaires ont été commis dans des pays africains dans le silence quasi-total de la communauté internationale, les peuples se retrouvant otages de despotes dont l’unique souci est d’accéder au pouvoir et de s’y maintenir.

Cette réalité amère a contraint l’élite de ces pays à l’exil et forcé la jeunesse à tenter des traversées périlleuses à la recherche d’une vie digne.

Votre excellence,

Vous comprenez bien que toutes ces difficultés sont en grande partie la conséquence des politiques hasardeuses et des pratiques de corruption des régimes politiques en place.

A l’évidence, il incombe en premier chef aux peuples de ce continent de mener toutes les luttes pour s’extraire de la misère ; ils en sont capables et déterminés à le faire, à la seule condition que cesse l’indifférence, la complaisance, voire la complicité internationale avec ces régimes.

L’exemple de l’Algérie est à ce titre édifiant. L’absence de recours internes, la persistance de la violence à l’égard de toutes les forces du changement et le verrouillage politico-médiatique nous obligent à nous tourner vers les organisations et les ONG internationales afin de démasquer le pouvoir et ses pratiques. Il s’agit aussi d’interpeller par-là même la conscience de la communauté internationale sur les violations massives et sauvages des droits de l’homme dans notre pays.

Le tableau est sinistre : des milliers de poursuites judiciaires, des centaines de détenus d’opinion croupissant en prison en attente de jugement, des blogueurs et des influenceurs des réseaux sociaux arrêtés dans des conditions rocambolesques, des rumeurs d’arrestations colportées par les services du pouvoir pour terroriser les citoyens alors que des descentes policières nocturnes et répétitives sont effectuées dans un spectacle qui génère la peur et la psychose.

Votre excellence,

Comme d’autres, vous avez certainement suivi avec intérêt et attention les manifestations pacifiques qui ont eu lieu durant deux années consécutives en Algérie. Des millions d’Algériennes et d’Algériens sont descendus pacifiquement dans la rue pour exiger une seule chose : changer le système de pouvoir et engager le pays dans un processus d’édification d’un Etat de droit qui garantisse l’indépendance de la justice et qui consacre irréversiblement une autodétermination du peuple algérien.

Le combat du PEUPLE ALGERIEN est un combat pour l’autodétermination du citoyen et de la nation algérienne. La nature du pouvoir et ses pratiques sont la négation même du caractère républicain, démocratique et populaire de l’Algérie voulu par les martyrs de la guerre de libération contre le colonialisme français.

Faute de répondre à l’exigence historique des millions d’Algériennes et d’Algériens, à travers un changement de mode de gouvernance, le pouvoir continue de fomenter de fausses élections et de fausses promesses. Par la force, la manœuvre et la ruse avec l’histoire, il a fini par réduire l’un des plus beaux et plus vastes pays au monde, riche en ressources naturelles et d’une jeunesse dynamique et extraordinaire, à la misère sociale, à la récession économique et à la paralysie politique.

Une amère réalité qui ne peut être dissimulée ni par les « représentations diplomatiques officielles » à l’étranger ni par les discours trompeurs et pompeux des dirigeants.

Si l’Algérie officielle se proclame démocratique et populaire dotée d’un « haut conseil des droits de l’Homme » et d’une « haute instance indépendante des élections », la réalité est tout autre : notre pays est otage d’un pouvoir corrompu, corrupteur, exclusif et autoritariste ne s’appuyant que sur la répression. La justice devant garantir le respect de la loi et la protection des Libertés est devenue un simple instrument aux mains du pouvoir politique.

Profitant de la pandémie de Covid-19, il n’a pas hésité à imposer une législation scélérate et liberticide pour interdire toutes les manifestations publiques. Ainsi et sous le fallacieux prétexte de la préservation de la santé publique, il a décrété des mesures policières pour empêcher toute expression libre et suspendre toutes les libertés.

Pour étouffer le mouvement populaire, il a livré la rue aux services de police, rôdés aux pratiques répressives et de quadrillage.

Pis encore : rompu aux procédés machiavéliques, il entretient une tension régionale avec notre voisin de l’Ouest, le Maroc, pour étouffer toute velléité de changement en interne.

Votre excellence,

Aujourd’hui, l’Algérien qui ne s’aligne pas sur les options du régime n’est pas à l’abri d’un emprisonnement, d’un contrôle judiciaire ou d’une intimidation des services de sécurité lorsqu’il ne fait pas l’objet d’une campagne de dénigrement de la part de médias aux ordres.

Arrestations, menaces, détentions arbitraires, agressions physiques, harcèlements judiciaires et psychologiques, entraves administratives et policières contre la presse, pressions juridiques contre les partis politiques et les associations autonomes, chantage économique et social sur les syndicats : tel est le lot quotidien des Algériens épris de justice, de liberté et réclamant le changement.

Le pouvoir en Algérie considère que la presse écrite et audiovisuelle est sa propriété exclusive. Il impose un contrôle policier illégal sur les réseaux sociaux, instrumentalise la justice et utilise l’administration pour falsifier et détourner les suffrages électoraux.

Votre excellence,

C’est parce que notre pays est partie prenante de la charte des Nations unies que nous vous exhortons à agir par toutes les voies diplomatiques possibles pour que cessent ces violations et pour mettre un terme à ces violences.

Investies de la responsabilité de protéger les droits de tous les êtres humains, sans distinction de race, de couleur et de langue, les structures onusiennes sont appelées à ne plus se suffire de rappels que les violations de ces droits sont proscrites en adoptant des résolutions qui ne contraignent pas les pays au respect de leurs engagements en matière des Libertés et des Droits.

L’Algérie est un exemple de ces pays qui ratifient et signent toutes les chartes et conventions internationales, mais qui ne respectent rien à l’intérieur.

Face à cette situation, il est de votre devoir personnel et du devoir de toutes les instances des Nations unies d’exercer une pression diplomatique sur les autorités Algériennes pour exiger d’elles la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus d’opinion, injustement incarcérés ainsi que l’annulation pure et simple des poursuites judiciaires contre les militants et les animateurs politiques, culturels et sociaux.

Rien ne peut et ne doit servir de prétexte pour interdire les manifestations pacifiques et rien ne doit justifier le recours systématique à la répression contre la population.

Recevez toutes mes salutations et veuillez agréer mes sentiments de haute considération.

 

 

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